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Mon séjour à El Calafate fut très bref. Après le trek sur le Perito Moreno je décidais de reprendre la route vers un retour dans le Nord. Je ne pouvais malheureusement prolonger mon périple jusqu'à la Terre de Feu car les problèmes de temps et d'argent me rattrapaient. Je ne verraient donc pas Ushaïa cette fois-ci...

Je prenais donc un bus pour Mendoza afin d'explorer un peu la région des vins argentins avant de partir au Chili, ma prochaine destination. Ce que je n'avais pas réalisé au préalable m'assommait à l'arrivée. C'est un trajet en bus de 40 petites heures qui me tendait les bras. 40 heures ponctuées de quelques petites escales pour pisser, dans un véhicule plein à craquer, avec des repas qui n'en étaient pas vraiment. Je consolais ma patience dans les couchers et les levers de soleil qui continuaient de m'émerveiller. Mes premiers mots en posant le pied sur l'asphalte de Mendoza : "Terre !". Je ressentait presque la sensation d'avoir effectué une traversée d'un mois sur une goelette. Tel Christophe Colomb sur sa Santa Maria j'exultais de toucher la terre ferme de vive pied.

Ma première impression en parcourant la ville fut qu'elle ne me verrait pas longtemps. À vrai dire, c'est un fin de semaine férié qui m'accueillait. Les rues étaient parcourues par le vent seul auquel j'emboitais le pas. Je vagabondais telle une âme solitaire cherchant un peu de vie autour de moi. Je regrettais déjà ma Nature, dans laquelle je ne m'ennuyais jamais, toujours découvrant quelque chose de nouveau. La dernière image que j'en avais eu fut celle un peu plus tôt le matin de l'Aconcagua,cette géante enneigée de 6950 mètres d'altitude.

Pour éviter tout état de décrépitude, je decidais de me noyer dans l'alcool... Le bon biensûr ! Je réservais donc un tour en vélo de quelques bodegas dans les environs de Mendoza pour goûter au vin argentin directement à la source. J'avais eu la chance dans le passer d'essayer le whiskey écossais dans les distilleries des Highlands de même que le Porto dans la ville même de sa production. Il était donc de mon devoir d'en faire de même avec ce qui à priori relève en priorité de ma propre culture française : le vin !

J'enfourchais donc mon vélo pour une demi journée et partais avec un groupe pour la visite et la dégustation de deux domaines. Ce que je peux en dire c'est que tout cela me déçu quelque peu. Qu'il s'agisse du petit domaine ou du plus important, tous deux me laissaient un goût âpre sur le palais. La production me paraissait encore trop jeune, trop directe, pas assez subtil dans sa façon d'aborder les papilles. Selon moi c'est un vin qui nécessite quelques années supplémentaires de travail, de mise à l'épreuve pour qu'il puisse enfin être jugé à sa juste valeur.

Le lendemain, je remontais timidement dans un bus, le souvenir encore frais et douloureux de mes deux nuits passées dedans quelques jours avant. Heureusement je savais cette fois qu'il s'agissait de sept minuscules heures pour rejoindre Santiago du Chili. Je savais surtout que je partais rejoindre ma soeurette que je n'avais pas vu depuis huit mois maintenant.

J'arrivais dans la capitale Chilienne en début d'après-midi. De la fenêtre du bus j'observais le flux incessant de la modernité. Des milliers de voitures roulaient à toute allure. J'essayais tant bien que mal de me raccrocher à la Cordillère des Andes dont on m'avait dit qu'elle était visible d'ici. Pourtant je la cherchais désepéré en vain. Puis en concentrant mon oeil sur l'arrière plan de ce nouveau tableau je finissais par deviner l'arrête de la chaîne montagneuse. La pollution était telle qu'un épais nuage de crasse saturait l'atmosphère. On me dit plus tard que Santiago avait la chance de posséder son propre trou dans la couche d'ozone. La messe était dite.

Quand je rejoignais enfin la gare routière je cherchais parmis mes notes l'adresse du travail de ma petite soeur. J'avais griffoné sur un morceau de papier la seule piste pour la retrouver, n'ayant ni son adresse personnelle ni son numéro de téléphone ici. Je ne savais pas si elle travaillait toujours au même endroit et pourtant il fallait bien que je commence par quelque chose. Sous ma nouvelle casquette d'enquêteur, je prenais un taxi pour rejoindre ma première piste. En une vingtaine de minute, je me retrouvais propulsé dans le quartier des affaires, au milieu d'immenses gratte-ciel. Ma montagne était bien loin de cet univers étranger. Je me faisais indiqué l'endroit que je cherchais et lorsque j'y étais parvenu, je demandais au concierge l'étage du bureau où devrait travailler ma soeur. Inutile de dire que le concierge dévisageait quelque peu mon apparence que j'avais oublié de soigner il y a de ça 3 mois et demi lorsque j'avais quitté la France. Cependant je me rendais moi-même compte que je n'étais pas vraiment à ma place dans cet accoutrement. L'impression était multipliée par deux lorsque je foulais le seuil des bureaux de la Coface. Une jeune femme me scannait de haut en bas en me demandant ouvertement si je ne m'étais pas perdu et si elle pouvait m'aider en quelque chose. Très poliment je me renseignais sur ma soeur sans vraiment savoir si elle serait toujorus là. Heureusement pour moi je la voyais sortir quelques minutes après, l'expression de la suprise sur le visage. Nous nous sautions sans retenu dans les bras. Après 8 mois ça vallait bien un je m'enfoutisme des convenances.

Ma soeurette était radieuse. Plus belle que jamais elle rayonnait d'un amour qu'elle avait rencontré ici, au Chili. Finalement décidée à s'y installer, nous avions donc énormément de choses à se raconter, à partager et à découvrir ensemble avant que je la quitte de nouveau pour d'autres horizons. J'étais véritablement heureux de la voir comme ça, elle qui m'avait tant manqué ces derniers mois. Elle prenait son après-midi et nous rejoignions son appartement.

Ma première impression en mettant les pieds dans cet immense endroit était qu'il y avait beaucoup de vie ici. Il s'agissait d'une bâtisse vieille de 150 ans abritant 15 appartements individuels. Bien que tout cela ressemblait à une auberge de jeunesse, j'étais bien dans une collocation d'une quinzaine de personnes. Arrangée à la manière d'un squat d'artistes, l'habitation voyait ses murs peints par la créativité. D'immenses portraits, dessins, esquisses, fresques ânimaient le salon, première pièce rencontrée en entrant. Puis longeant un couloir, je débouchais sur une grande cuisine lumineuse décorée de plantes arômatiques. Petit à petit, des têtes curieuses émergées des murs pour connaître le nouvel invité de l'appartement. En tant que frère de Clelia, j'étais chaleureusement accueilli. Les locataires vagabondent dans les couloirs, échangent au détour d'une porte, se retrouvent, avachis dans un canapé du salon, rient fort, parfois s'engueulent puis se réconcilient autour d'un immense repas. De la vie émanait effectivement de cet endroit.

Les jours qui suivaient mon arivée étaient plutôt calmes. Ma soeur travaillait la journée et je subissais le contre-coup de mes mois de routard. J'en profitais donc pour me reposer. Ca ne m'empêchait pas de marcher tranquillement dans la ville toujours possédé par la même curiosité. Ma soeur et ses amies m'avaient notamment parlé d'une petite montagne dans la ville, de laquelle il était possible de contempler l'étendue de la Capitale. À l'annonce du mot montagne j'avais laissé échapper un soupir qui laissait entendre que j'irais sûrement. Malgré tout, en arrivant en haut de cette petite coline, je ne pouvais qu'observer l'incroyable densité de la mélasse polluante découverte à mon arrivée dans la ville. La seule partie visible de Santiago était son premier plan. Le reste semblait disparaitre progressivement, allant comme en s'estompant sous un lourd nuage de crasse. Un autre jour nous déambulions à vélo. Ma soeurette me montrait ainsi un point de vue général de ce qu'était Santiago et je pédalais heureux.

Puis le dimanche arrivait et nous partions, son copain, elle et moi-même, visiter la plus belle maison du poète chilien Pablo Neruda. Dans un petit village côtier surplombant le Pacifique, cette incroyable demeure où il termina sa vie et son oeuvre en l'année 1973, année du coup d'état de Pinochet, nous a fait rêver. Le poète était un collectionneur compulsif qui avait fait de sa maison un véritable musée. Telle la caverne d'Ali Baba, une multitude de trésors ornaient les nombreuses pièces de l'habitation. Chaque parcelle détenait en son sein une valeur sans pareil que l'artiste avaient aimé à des moments différents de sa vie. Il se plaisait d'ailleurs à inviter au milieu de ce bric-à-brac exceptionnel ses plus grands amis parmis lesquels le modeste Monsieur Picasso. La chambre à coucher par exemple donnait, à travers une grande baie vitrée, directement sur le grand Pacifique. Le lit tourné vers l'océan, le poète affichait ainsi son amour de la mer, dirigeant sa maison comme un capitaine dirige son bâteau. Saluant par un son de cloche les navires qui passaient au large, il marquait ainsi son respect aux vieux marins dont il se sentait proche à sa manière. Grand révolutionnaire, amoureux de Hugo, de Rimbaud, de Verlaine, il a fait de sa vie et de son écriture un trésor éternel.

Rêveurs, nous nous imprégnions tout simplement de l'ambiance, observant cet océan immense à l'horizon intouchable. Le temps était gris, aussi les vagues venaient elles se casser avec force sur les récifs comme ânimées du désir passionnel et violent de détruire ou plutôt d'avaler les roches noires de la côte.

Le lendemain, alors que je prenais un café pas très loin du bureau de ma soeur, je repensais à tout cela. Le matin j'avais décidé de me faire percer l'oreille à la façon d'un vieux marin, ancré à l'image de cet extraordinnaire personnage de bandes-dessinnées, Corto Maltese. Je ne pouvais m'empêcher depuis lors de toucher ce nouvel anneau qui pendait sur ma nouvelle vie. De même je ne cessais de contempler mon visage dans le reflet d'une vitre, tel Narcisse au fond de sa rivière. J'observais en fait ma mutation en l'Homme que j'essaie de devenir chaque jour au milieu de toutes ces découvertes...

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