Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 juillet 2013 3 24 /07 /juillet /2013 05:38

http://www.lubique.ca/leblogue/files/2012/12/Corto.jpg

 

Corto Maltese, un personnage fictif devenu réel par la force du récit. Hugo Pratt, son père biologique, en a fait une illustration personnifiée de son temps, un XXème siècle aux rebonds historiques. Témoin des grands conflits des années 1900, figure emblématique de l’antihéros, Corto Maltese est avant tout un marin hors pair assoiffé d’aventures. Sa biographie même, inventée par l’auteur, est gorgée de récits d’explorations, de navigations de contrebande, de rencontres mystiques, littéraires ou historiques. L’onirisme d’Hugo Pratt a tout simplement fait de son personnage un conteur privilégié de l’Histoire.

Corto Maltese est ainsi né le 10 juillet 1887 d’un père marin dans la Royal Navy et d’une mère gitane. Prédestiné à une vie trépidante, il s’engage dans la marine marchande qui le mènera aux portes de l’exotisme. Cependant peu conventionnel dans ses intentions et à l’image d’une chance dont il dira toute sa vie qu’elle est maîtrisée, il se détourne vite de la normalité pour choisir une voie plus aventureuse, dangereuse et libre voire libertaire. Corto Maltese devient en ce sens le charmeur coiffé d’une casquette de marin portant l’anneau du passage des 3 cap à l’oreille gauche. Regard malicieux dépassant de son long manteau au col souvent relevé, notre homme pense déjà à ses prochaines pérégrinations qui le mèneront en Mandchourie, en pleine guerre Russo-Japonaise vers 1904, puis en Patagonie en 1906 sur les traces de Butch Cassidy et Sundance Kid ou encore sur les bords de la Somme en 1918, alors que la Première Guerre Mondiale arrive à son terme. Suivre la vie de Corto c’est également rencontrer les intellectuels, écrivains, artistes qui parsemaient toute une époque. Le reporter de guerre Jack London, le poète Gabriele d’Annunzio ou encore la peintre Tamara de Lempicka. Car Hugo Pratt fut un homme sensible à l’esprit littéraire dont il ponctuera tout du long sa bande dessinée qu’il nomme lui-même « littérature dessinée ». Et tous ces intervenants de luxe, contribueront à enrichir le personnage, sa place dans ce monde du XXème siècle qu’il épouse à bras-le-corps. On dira de lui qu’il est amoral, dénué de sens politique, ne faisant confiance qu’à son instinct et sa liberté. Il n’existe pas pour faire ou défaire l’Histoire alors déjà en marche, mais se joue d’elle, l’observe pour mieux la comprendre. En ce sens la traverse-t-il sans jamais l’entraver.

Mais ce qui frappe le plus chez Corto c’est sa bi nationalité, son appartenance à la fois à la terre du réel et au royaume du songe. Il se situe en effet à la frontière des deux mondes, personnage de l’incertitude qui nous semble tellement vrai tout en étant fictif. C’est pourquoi il nous séduit tant, dans ses qualités et dans ses défauts. Ou plutôt dans son style de vie, toujours libre, sans enclaves, dans l’incertitude permanente. À l’image de ce que pensait son créateur, Hugo Pratt : « Un jour on tombe sur un manque, le document recherché a, par exemple brûlé au Moyen-Âge, et c’est alors que quelqu’un comme moi peut occuper ce vide en créant une histoire. »

Et cette histoire c’est lui, Corto Maltese, le fruit d’abord de modèles appartenant à la fin du XIXème - début du XXème siècle ; puis image façonnée par nos propres désirs de grand large et d’horizons nouveaux, incertains. C’est pourquoi si tant est que Corto nous semble être attachant, fallait-il lui créer un double repoussant. Naissait alors Raspoutine, l’âme damnée de Corto, terrible, impulsif et sanguinaire. Pourtant est il indispensable à la survie de notre antihéros, à la fois ami et ennemi, animé par le même besoin d’aventure et de liberté. Le couple représente-t-il par là-même la complexité de cette liberté tant désirée face à ce que l’Histoire semble nous imposer. Leurs personnages raisonnent comme d’un seul homme, comme pour nous signifier les familiarités qui peuvent exister entre ce que nous sommes ou que nous souhaiterions être et leur personnalité imaginées.

Corto Maltese c’est finalement nous. La personnification de nos désirs de liberté, d’action,  d’entrave à la norme, de dépassement de soi-même. Et dans un ultime regard, il foudroie le lointain comme pour nous révéler une vérité, sa vérité, celle d’un horizon, seule terre sur laquelle il vaille la peine de vivre pour toujours.

Partager cet article
Repost0

commentaires

O
I have heard several interesting tales about Hugo Pratt. I don’t think any other fictional character has been so inspirational. He reminds me so much about Vegeta from the cartoon series Dragon Ball Z. Both share similar traits.
Répondre
J
http://triton95.wordpress.com/2012/02/18/imagine-la-derniere-image-du-dernier-album-de-corto-maltese/
Répondre

Présentation

  • : Le blog de desirs.nomades.over-blog.com
  • : Il s'agit avant tout de vous emmener avec moi en ballade. Mais il est important aussi de savoir rêver et de se laisser transporter par les mots et les images là ou l'on souhaite s'évader, à n'importe quel moment du jour et de la nuit...
  • Contact

Recherche

Archives