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13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 13:56

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« Puis, tout à coup, je m’arrêtai, glacé, frissonnant de peur. Devant moi, quelque chose apparaissait […] ; une étendue en mouvement qui me donnait le vertige mortel […]. J’avais l’insaisissable pressentiment qu’elle finirait un jour par me prendre… »

 

Les paroles faisaient écho dans l’esprit du marin. Car qui des enfants de la mer, n’a jamais ressenti l’attraction presque inéluctable de la Grande Bleue. Elle nous apparaît divine, royaume de Neptune au féroce trident. Pour les pairs de nos pairs ce fut une immense énigme emplie de monstres et de démons. Pour nos pairs ce fut un gage de liberté et d’aventure. Et pour nous ?

Il en est un que la mer emporta très tôt en son sein. Son nom est Julien Viaud, ou devrais-je l’appeler Pierre Loti. Un enfant de sept ans hypnotisé par le grand large depuis les berges de l’île d’Oléron où il est éduqué par les siens jusqu’à son entrée au lycée de Rochefort.

Julien né le 14 janvier 1850 de Théodore Viaud et Nadine Texier-Viaud, un couple de modestes huguenots pratiquants. Déjà emprunt de prémices à la découverte, le jeune Viaud voue une admiration presque maladive à son grand frère Gustave, de 12 ans son ainé et jeune médecin de marine. C’est grâce à ce frère chéri et à ses présents du bout du monde, que le petit garçon sema les premiers indices d’une vie faite de rêves et d’exploration. Et la mort de son idole de jeunesse en avril 1865, ne devait que conforter un destin forgé pour l’ailleurs.

Julien Viaud se réfugiait alors dans les témoignages matériels de son frère, ramenés des quatre coins du monde. Des objets silencieux dont il s’amuse à percer l’histoire tout en continuant lui-même à cultiver sa collection de l’étrange dans de petites boîtes aux trésors. Ainsi les coléoptères, peaux de serpent, fossiles, coquillages et plumes d’oiseaux tropicaux sont-ils un refuge pour le jeune garçon pour qui son physique semble poser problème. Il se met alors à écrire, animé par un « besoin de noter, fixer des images fugitives, de lutter contre la fragilité des choses et de [soi]-même… »

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Puis, rêvant à un avenir de missionnaire, l’enfant Viaud choisi de suivre les traces de son frère disparu. Sensible aux mathématiques, il réussit le concours d’entrée à l’école Navale. Ses voyages pouvaient commencer ! D’abord comme élève-officier sur le Jean-Bart, vaisseau école à hélice sur lequel il embarque à la fin de l’année 1869. Puis sur le Decrès, une corvette patrouillant en mer du Nord. Le Vaudreuil, La Flore, le Pétrel, l’Espadon… Autant de navire qui virent Julien Viaud puis Pierre Loti traverser les océans, parcourir les mers du monde, dévorer l’inconnu avec une pointe de mélancolie propre à son style presque efféminé.

Oui, Pierre Loti, du nom d’une variété polynésienne de laurier-rose, s’est détaché de son étiquette de Julien Viaud. Faisant Peau neuve à travers les paysages époustouflants de la Polynésie, de l’Amérique latine, de l’île de Pâques et plus tard, de l’Orient, l’officier de marine se transformait également en poète de la vie. Il commence, au début par nécessité financière, par proposer ses notes de bord agrémentées de croquis enlevés à de grands périodiques comme le Monde illustré. Rencontrant alors un vif succès, Loti se lance dans la rédaction d’ouvrages de référence, histoires oniriques, anecdotes sublimées de voyage qui peignent avec audace la vie trépidante du jeune homme. Naissent alors Le Mariage de Loti (1880) ou Aziyadé (1879), romans fabuleux fait d’amour et d’aventure qui ne sont pas sans rappeler les histoires romantiques du séducteur qu’il fut.

Pierre Loti est ainsi un homme de coup de théâtre. D’un physique petit et frêle, ses camarades se souviennent de lui comme un être charismatique et caractériel :

 

«  Visage dur, en lame de couteau, cheveux en brosse, moustache raide, coupée au ras des lèvres […], quelques touches de carmin aux lèvres et un glacis de rose aux pommettes, qui faisait valoir la patine de son teint… »

 

C’est le marin qui débarque, vit, aime et repart, laissant à l’écriture le fil conducteur du souvenir. Loti l’aventurier, Loti l’officier, Loti l’amant et Loti l’écrivain. Des casquettes qu’il revêtit aisément comme un acteur le ferait avec ses costumes de scène. Une métaphore qui va bien à l’homme, lui qui s’amusait de ses mises en scène souvent immortalisées par la photographie. Car inspiré il l’était entièrement. Par les pays traversés, à l’image de la Turquie qui marqua profondément son cœur et dont il garda essentiellement la mémoire d’une bien-aimée regrettée et une fascination pour le monde islamique.

Mais lorsque l’on pense à Pierre Loti, c’est encore et toujours la mer qui donne le cap. Du jour où elle séduisit une journée d’enfance, jusqu’à sa mort, elle est son âme, son refuge, son domaine d’inspiration privilégié et le meilleur antidote à sa mélancolie native. Il en retire Pêcheur d’Islande, que beaucoup désigneront comme le chef-d’œuvre de sa littérature.

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Ainsi Pierre Loti s’évade, navigue, écrit et se prête à rêver à l’inconnue vérité. Pendant 42 ans de service actif dans la marine nationale, il nourrit sa passion pour l’ailleurs au-delà des simples conventions. Et malgré un mariage raté dont il ne gardera qu’un fils, Samuel, il ne vit qu’en prévision de l’imprévisible.

Et lorsqu’enfin la mort sembla le guetter, il l’attendait seul dans sa « Bakhar Etchea » (maison solitaire), à Hendaye un 10 juin 1923, un anneau en or au doigt. Hakidje l’attendait, quelque part. C’était son dernier voyage.

 

 

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